Valentin - Souffle Chaud

En ce début d’année 2025, nous avons impulsé la création d’un collectif pour donner une suite au projet de formation et de médiation numérique Influen’scène que nous avons porté aux côtés de 12 théâtres sur les saisons 22/23 et 23/24. Influen’scène a grandi et c’est aujourd’hui un collectif d’une dizaine de créateur⸱ices de contenu qui porte une parole engagée et diverse pour et depuis le spectacle vivant.

Nous leur donnons la parole.

 

Présentation

SouffleChaud-Valentin

Moi c’est Valentin, j’ai grandi à Montreuil en périphérie de Paris avec mes parents qui avaient une vraie volonté de me faire découvrir la culture de manière générale. Je n’avais pas trop l’occasion d’aller à Paris mais il y avait cette volonté de me montrer ce qu’il se passait là où il y avait le plus d’art, donc j’ai fait beaucoup de musées et un petit peu de théâtre. Quand j’étais petit et adolescent, ça ne me parlait pas beaucoup le spectacle vivant, c’était un sujet qu’on étudiait pas du tout même au lycée. Je pense qu’il y avait une vraie barrière géographique et culturelle de penser que le théâtre ce n’était pas pour nous.

Le début de la création de contenu

J’ai toujours travaillé dans des agences de communication. Lors de ma première expérience qui a duré deux ans et demi, j’avais besoin de faire autre chose et je voulais un projet à moi.

C’est là qu’a commencé la création de contenu pour moi, avec cette volonté de rencontrer des gens qui gravitent autour de la création de manière assez large, ce que j’ai appelé au départ des « personnalités créatives ». Ça allait de comédien·ne·s à tatoueur·euse·s ou plasticien·ne·s. L’idée c’était d’être guidé par la curiosité pour savoir ce qui les guidait au quotidien et entrer dans les coulisses.

Progressivement ça m’a poussé à rencontrer pas mal de personnes. Au début c’était à l’écrit, donc des articles puis ça s’est transformé en podcast et aujourd’hui ça prend la forme de vidéos courtes sur les réseaux sociaux.

C’est vraiment l’art contemporain que j’apprécie le plus mais je me suis dis qu’à Paris il y avait une programmation de spectacle vivant assez folle et que c’était dommage de ne pas en profiter.

À l’approche de mes trente ans, je me suis dis que c’était con de perdre les tarifs réduits et qu’il fallait sauter sur l’occasion ! J’ai commencé à aller dans pas mal de théâtres et je me suis rendu compte qu’il y en avait énormément.

 

Une démarche centrée sur l’humain

Ce que j’aime c’est rencontrer des gens : le lien à la base, c’est l’humain. Je n’ai pas de formation ni en histoire de l’art, ni en théâtre et le fil rouge dans tous les contenus que je produit c’est la curiosité et la volonté de donner la parole à des personnes qui portent un message ou font de la création au quotidien.

C’est plus une vision de spectateur plutôt qu’une position d’expert. Je ne donne pas vraiment mon avis, j’essaie plutôt de donner la parole et de rendre accessible ce qui est visible.

Pourquoi les gens ne vont pas dans les galeries d’art ou au théâtre ? J’essaie de leur donner envie, de montrer que oui c’est pour eux, c’est accessible, c’est facile et c’est fun ! Ma volonté c’est de dédramatiser tout ça. Si tu commences à lire tu ne vas pas commencer par Balzac, mais il y a forcément des bouquins pour toi et je pense que c’est un peu la même chose pour l’art en général. Donc je fais de la vulgarisation et des interviews avec des rencontres un peu approfondies. J’aime beaucoup montrer les coulisses. Ma volonté, c’est de proposer des contenus ludiques et faciles d’accès pour donner envie de découvrir les personnes qui créent et pour montrer qu’il y a de la création partout.

 

Une relation d’égal à égal avec le public

Souffle Chaud feed instagram

Ma relation avec mon public est assez horizontale. Comme j’ai une posture de spectateur, je n’ai pas l’impression d’être un sachant. J’ai plus l’impression d’être un bon pote qui va rappeler à mes autres potes qu’il y a un truc cool à faire. Ce n’est pas une relation descendante, c’est plutôt soit des astuces soit un coup de projecteur sur des projets qui me plaisent. C’est aussi une relation à double sens. Je partage mes coups de cœur et plus je partage, plus on me répond et quand on me répond on me fait découvrir des choses aussi.

Une approche participative et ouverte à l’échange

Comme je ne suis pas expert et que je ne me place pas dans cette position là, ce n’est pas du tout à sens unique. Bien souvent les personnes qui répondent ou commentent m’apprennent beaucoup plus de choses que ce que moi je partage. C’est plutôt un point de départ qui ouvre ensuite des conversations, c’est vraiment le but au départ du projet : créer du dialogue et rencontrer des gens, que ce soient des artistes ou des gens lambdas qui ont un regard sur ce qu’il se fait.

Il y a un certain enjeu de médiation dans le sens où il y a une vraie volonté de décrypter ce que les gens peuvent voir et surtout de donner un deuxième niveau de lecture. Je fais un peu de photographie à côté et je fais beaucoup de double exposition, donc de superpositions d’images, j’aime bien ça.

Au départ tu regardes l’image et tu vois peut-être quelque chose, plus tu vas la regarder plus tu vas voir ces différents niveaux qui s’additionnent. C’est un peu valable partout, dans le spectacle vivant et aussi beaucoup dans l’art contemporain. La première approche est complétée tout de suite par l’émotion, mais aussi par un certain nombre d’informations.

C’est de là qu’il y a vraiment ce côté médiation, je ne donne pas forcément toutes les clés de lecture, j’en donne quelques unes, je fais un pas vers le public en donnant des pistes mais l’idée c’est que tout est sujet à interprétation et tout peut être complété aussi par une analyse personnelle.

 

Entre rapidité imposée et narration maîtrisée

Souffle Chaud Blog

La question du format c’est un gros challenge pour moi parce que je suis passé de l’écrit à l’audio et maintenant à la vidéo. Ces transformations successives ont aussi beaucoup transformé la manière dont j’aborde les rencontres que je fais et la narration que je mets en place. Et même si j’adore les réseaux sociaux, ce n’est pas toujours la meilleure manière de communiquer.

On est vraiment, et de plus en plus, sur des formats courts qui imposent une façon de monter quelque chose dans l’instantanéité et la rapidité. Parfois je suis un peu frustré parce que je viens de l’écrit et du podcast où on est vraiment sur des formats où on prend son temps, où on est dans la narration et où on choisit les mots. On est vraiment dans de la dentelle.

Face à ça, on a vraiment cette dynamique de l’efficacité, il n’y a pas d’intro, pas de conclusion, on rentre directement dans le sujet. C’est des exercices qui sont complémentaires. Ça m’apprend aussi au quotidien à savoir ce qui intéresse réellement les gens. Même sur un contenu long, il y a toujours des passages qui intéressent plus que d’autres. Ça me force en tant que créateur de contenu à faire plus de montage, j’ai toujours l’impression d’être un espèce d’artisan.

Le montage a vraiment ce côté de venir avec son marteau et son burin pour tailler dans le bloc. Si on donnait la même matière à dix personnes différentes, avec le même point de départ, une interview d’une heure qu’on doit transformer en deux minutes, on n’arriverait pas au même point car on n’a pas les mêmes sensibilités.

Le format c’est à la fois une contrainte mais aussi un moyen de se poser les bonnes questions : qu’est ce que j’ai envie de faire passer comme message et comment je le rend le plus attrayant possible pour que la personne l’ai ? Je suis assez admiratif des créateur·ice·s de contenus que je suis qui postent sur Instagram des vidéos de dix minutes, je me demande pourquoi mais en même temps souvent ça marche parce que c’est à contre courant. Ça marche aussi parce qu’il y a une vision.

 

Le son comme espace de confiance et d’expression libre

Il y a une vraie logique dans mon changement de format. Mon point de départ et le fil rouge qui jalonnent toutes mes rencontres, c’est la volonté de recueillir une parole sincère et de mettre la personne que je rencontre le plus à l’aise possible. Au départ, ce qui m’a semblé le plus naturel, à la fois pour moi qui n’y connaissais pas grand-chose et pour les personnes que je rencontrais, c’était d’échanger de manière simple, comme à la table d’un café, avec un micro très discret qu’on oublie vite pour ne pas tout noter et rester dans l’instant présent.

L’enregistrement permet d’éviter au maximum de déformer ce qui est dit. C’est aussi facile dans le sens où dès que du matériel capte vraiment, la personne a l’impression qu’il y a un enjeu. Puis je me suis rendu compte qu’à l’écrit, même si je capturais les informations, c’était toujours de la traduction, nécessairement je réécrivais. Des fois c’est toi qui donnes un sens et c’est aussi parfois ce qu’on attend de la personne qui récolte les informations : tu condenses, synthétises et peut-être soulignes certains aspects.

Je trouvais ça dommage d’enregistrer ce son-là mais de ne pas m’en servir et d’avoir cette traduction qui, bien qu’assez fidèle, impose un regard. Donc j’ai essayé de faire finalement la même rencontre en me servant du son. Là je me suis rendu compte que c’était encore plus fidèle et ça permettait de moins me mettre en avant, en donnant la parole au premier degré. Je trouvais ça intéressant la manière dont les artistes parlent avec leurs propres mots, ces temps de pause et leurs silences aussi, peut-être aussi les bruits de fond qu’on peut entendre, qui permettent d’imaginer l’artiste dans son atelier.

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S’adapter, se réinventer, assumer le chaos

Puis j’ai eu un long temps de pause car j’ai repris un emploi assez intense, j’avais moins de temps pour être sur ce format long et je voulais toujours continuer à rencontrer des artistes. Je voyais aussi que j’atteignais un plancher, j’ai pensé que c’était un moment de se réinventer. Quand on fait quelque chose sur des plateformes qui imposent des contraintes et des changements assez drastiques, presque au fil des saisons, au niveau des algorithmes, ça permet de faire des expérimentations.

Parfois c’est un peu déstabilisant pour les gens qui me suivent. Je dis souvent que je suis ma propre ligne éditoriale. Comme c’est à mon image, ça peut être un peu chaotique mais ça part de moi et c’est aussi pour ça que ça fait sens. Je ne me suis jamais rien interdit, j’ai tout de suite toujours mis les choses au clair avec mes invités : on ne parlera jamais que de musique, on ne parlera jamais que de peinture, on ne parlera jamais que de tatouages, ça sera toujours tout en même temps.

 

L’image comme prolongement naturel

La vidéo est arrivée progressivement, j’aime bien l’image et le montage audio donc j’ai pensé qu’il y aurait des choses à faire sur le montage visuel. C’est comme ça que j’ai commencé et je ne me regrette pas du tout aujourd’hui. Ça me permet de compléter, c’est très complémentaire.

Par moments il y a une volonté d’avoir des conversations longues où on rentre vraiment dans le détail et des fois j’ai aussi envie de parler d’un sujet très rapidement, un peu comme une pensée éphémère. C’est à la fois une volonté d’expérimenter, de se renouveler et d’avoir des temporalités différentes.

 

Le collectif comme force, l’échange comme moteur

J’ai rejoint Influen’scène toujours pour cette notion de curiosité. Je voulais voir comment ça pouvait s’organiser car je n’ai jamais fait partie d’un collectif auparavant et je trouvais ça intéressant de réunir des personnes très différentes avec un fil conducteur : ces personnes font de la création de contenu.

Encore une fois, de pouvoir rencontrer des gens, échanger sur nos expériences et mettre en commun des bonnes pratiques. Mine de rien, c’est des métiers qui ne sont pas issus d’une formation professionnelle, on a un peu tous·te·s fait ça sur le tas en bidouillant dans nos coins.

Avoir ce collectif sur lequel on peut se reposer et échanger pour trouver les solutions les plus optimales, c’est très chouette. Il y a également cette volonté de se sentir moins seul. Quand j’ai commencé, j’avais vraiment cette vision de créateur·ice·s de contenu qui sont nécessairement concurrent·e·s mais je me suis rendu compte que ce n’est pas du tout le cas, surtout pour des sujets « niches » comme le spectacle vivant. Il y a au contraire une volonté de se dire que faire rayonner un·e créateur·ice de contenu, c’est faire rayonner l’ensemble.

Permettre à ces messages qu’on porte d’être diffusés le plus largement possible, c’est un peu ce que j’attends d’Influen’scène, d’avoir une espèce d’émulation collective.

 

Une conscience culturelle qui se renforce

Je pense que ça peut faire bouger les lignes. Le fait d’être un collectif permet d’être davantage pris au sérieux. Ce regroupement de personnes qui défendent une cause commune avec leurs communautés a forcément plus d’impact.

Soulever des sujets politiques ou très engagés, c’est pas nécessairement ma ligne éditoriale, mais de l’avoir concrétisé et d’avoir mis les mots dessus, ça impacte la manière dont je crée du contenu maintenant. Surtout, quand on est dans une grande ville et qu’on a l’habitude d’aller au théâtre, on ne se rend plus compte d’à quel point c’est important de le défendre.

Comme c’est dans mon quotidien, j’ai l’impression que ça existera toujours. Mais savoir ça et regarder les problèmes en face, ça me donne envie de les défendre et d’être encore plus revendicatif et armé pour défendre la culture et le spectacle vivant. Tout mon travail c’est de dire de profiter de l’offre culturelle autour de soi, mais si demain il n’y a plus d’offre culturelle je serai bien embêté.

À chaque fois que je vois un spectacle et que j’ai cette notion d’émerveillement, je n’ai qu’une envie : c’est que les gens aillent vivre la même chose. Toutes ces émotions incroyables qu’on peut vivre ne doivent pas s’arrêter.

 

Une sélection assumée, une ligne qui s’affirme

Souffle Chaud Blog Podcast 45

Par rapport à mon histoire et mon identité, je me suis rendu compte, sans le vouloir, que la plupart des artistes que je rencontrais et que je mettais en avant appartenaient à la communauté LGBT. Ça s’est fait de manière un peu naturelle mais maintenant que j’en ai pris conscience, j’essaie de sélectionner des artistes qui se positionnent ou qui répondent à ma grille de lecture.

Le fait d’avoir rejoint Influen’scène ne m’a pas repositionné mais m’a fait me questionner. C’est bien d’être très léger, de faire rire les gens et que mon contenu soit agréable à regarder — car aller sur les réseaux sociaux c’est aussi une pause — mais ce divertissement doit aller de pair avec à minima une conscience sur les sujets actuels. J’essaie de plus en plus d’intégrer ça dans mes contenus, de ne pas juste annoncer tel ou tel événement mais de montrer ce que ça peut réveiller en nous ou de ce que ça peut véhiculer.

 

Cliquez ici pour découvrir le podcast : Souffle Chaud

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