Valentine - Val_och
En ce début d’année 2025, nous avons impulsé la création d’un collectif pour donner une suite au projet de formation et de médiation numérique Influen’scène que nous avons porté aux côtés de 12 théâtres sur les saisons 22/23 et 23/24. Influen’scène a grandi et c’est aujourd’hui un collectif d’une dizaine de créateur⸱ices de contenu qui porte une parole engagée et diverse pour et depuis le spectacle vivant.
Nous leur donnons la parole.
Présentation
Je m’appelle Valentine Roux et j’ai démarré sur Youtube en mars 2017 ! J’ai lancé la chaîne en parallèle de mes études de médiation culturelle avec une spécialisation dans les arts de la scène à la Sorbonne.
Le vide que personne n’avait encore comblé
Je suivais en tant que spectatrice pas mal de créateur·ice·s de contenu de vulgarisation scientifique et culturelle et je voyais bien qu’en théâtre, à l’époque il n’y avait personne. Je trouvais qu’il y avait un gros manque là-dedans et je me suis dit « pourquoi pas moi ? ».
J’allais déjà beaucoup au théâtre et j’avais envie de partager ça avec des gens. Je voulais surtout déglinguer les clichés qu’il peut y avoir sur le théâtre pour encourager mes potes à aller au théâtre.
Les vidéos ont été un moyen de partager ça à un plus large public. J’ai démarré par des recommandations de spectacles coup de cœur puis j’ai enchaîné des interviews d’artistes et de personnalités du milieu.
J’ai ensuite lancé le format Internet dans un fauteuil où j’invitais une personnalité d’Internet à venir au théâtre avec moi pour ensuite débriefer l’expérience. Ça permettait aussi de montrer à leurs communautés qu’eux aussi pourraient apprécier l’expérience.
Un déclic autour des freins culturels
Ce qui revient globalement dans le constat de « pourquoi je ne vais pas au théâtre ? », c'est que les gens n’y pensent pas, que ce n’est pas ancré dans leurs habitudes, dans leur culture. C’est en faisant ces entretiens et en parallèle de ma formation en médiation culturelle que j’ai réalisé qu’il y avait un besoin de relais, de « prescripteur·ice·s » pour prendre les gens par la main et leur montrer que le théâtre, ce n’est pas que Molière en jabot.
Je me suis ensuite orientée progressivement vers la vulgarisation des coulisses de la création de spectacles avec des petits reportages. À cette occasion, j’ai commencé à faire des partenariats avec des théâtres et des compagnies.
J’ai remarqué un bond en avant « grâce » au covid car les structures culturelles se sont rendues compte que créer du contenu sur Internet sur Internet c’est chouette et qu’il y a déjà des gens qui le font ! D’un coup il y a eu un changement de regard sur ce que je faisais, avec beaucoup plus de reconnaissance de la part des institutions, ça a pris un peu plus d’ampleur.
Le théâtre… mais pas que
En parallèle de tout ça car ce n’est pas mon métier, je suis devenue productrice dans une boîte qui s'appelle Compote de prod qui produit majoritairement des spectacles musicaux familiaux.
J’ai évolué en devenant directrice artistique et je fais également de la mise en scène, de l’écriture et un petit peu de plateau. Ces métiers s’enrichissent les uns les autres ce qui me permet d’adapter la manière dont je produis des spectacles. J’essaie de mêler ça aussi à la vidéo, j'aimerais bien vulgariser ce qu’est la production et montrer encore plus les coulisses de création dans mes vidéos.
Des formats courts, mais percutants
Dernièrement j’ai lancé un format très court qui me fait beaucoup de bien qui s’appelle Vous m’voyez ?, où je parle d’un effet de mise en scène qui me semble original et pertinent à montrer en vidéo. Ça me permet de recommander un spectacle avec une valeur ajoutée qui ne deviendra pas caduque une fois que ça ne jouera plus tout, en expliquant des questions techniques.
J’essaie de trouver des formats qui combattent le côté éphémère et local du théâtre car c’est aussi le problème qu’on a. Pour parler de théâtre à plus de monde il faut essayer de trouver des axes comme ça pour que les gens se sentent concernés, même si c’est des spectacles qu’ils n’iront pas voir.
Capter les curieux plutôt que convaincre les convaincus
J’essaie de m’adresser aux curieux·euse·s et pas forcément au public déjà acquis qui cherche des spectacles à aller voir. J’essaie d’attraper les gens qui ont envie de s’intéresser au théâtre mais ne savent pas par quel bout le prendre.
Je sais que j’y parvient, une partie de mon audience sont déjà des théâtreux·euse·s convaincu·e·s mais je touche aussi des personnes un peu « paumées » dans toutes les propositions qui existent et veulent en savoir plus sur le théâtre.
C’est comme ça que je l’aborde, en essayant de faire « prescriptrice » entre un public de néo spectateur·ice·s et des spectacles qui me semblent accessibles, c’est ma ligne édito. J’essaie de faire ça avec des spectacles faciles d’accès, culturellement et financièrement, de faire en sorte qu’il y en ai un peu pour tout le monde et de varier !
Les réseaux : levier indispensable
Il y a tout un pan de public qu’on ne peut pas toucher en dehors des réseaux sociaux. Un autre moyen c’est la sensibilisation avec les scolaires en faisant de l’action culturelle, mais une fois que tu sors du champ scolaire, comment est-ce que tu attrapes ces gens ? C’est plutôt sur Internet.
L’autre pendant des actions culturelles, c’est que ça concerne un public dit « captif », qui n’a pas trop le choix que de suivre l'enseignant·e pour aller au théâtre. Donc il faut aller capter ce qui va être intéressant pour un public néo spectateur : est-ce que c’est des effets techniques ? Est-ce que c’est le côté fun ? Est-ce que c’est l'immersion ? Est-ce que c’est le côté politique ? Est-ce que c’est la rencontre et le rassemblement du public ?
Les théâtres sont un peu en retard dans ce domaine par rapport à d’autres types d’art, ce passage à la puissance des réseaux sociaux n’a pas encore été franchi, donc toutes les évolutions sont les bienvenues ! Le théâtre reste une toute petite niche avec très peu de créateur·ice·s de contenu. Je pense qu’il faut chercher à tous les postes, que ça soit communication ou RP et collaborer avec des créateur·ice·s de contenu déjà existant·e·s !
Le contenu qui répond à un vrai besoin
Du point de vue de la communication, j’essaie de chercher à quel besoin ce que je poste va répondre. C’est des leçons qu’on tire notamment sur Instagram. Faire du contenu pour faire du contenu, ça ne marche pas du tout, il fait vraiment trouver ce qui va intéresser profondément les gens et adapter le contenu en fonction.
C’est pour ça qu’au tout début je faisais surtout de la recommandation de spectacles, car c’était un des besoins que j’avais identifié auprès de mes ami·e·s. J’ai utilisé mes connaissances et mon appréciation en tant que spectatrice intensive puis en tant que professionnelle pour aiguiller.
C’est en ça que je suis contente de mon nouveau format qui me permet de prendre un angle un peu plus « artisanal » pour mettre en avant pourquoi le théâtre se différencie des autres arts. Je réponds au besoin des gens d’avoir ce besoin curieux voir « voyeuriste » sur les coulisses de création.
Je joue aussi sur cette curiosité naturelle ! Je sensibilise à la précarité du milieu théâtral d'une manière générale, pour que les gens comprennent que ce soit à petite ou grande échelle, on n’est jamais dans des budgets de cinéma. On est sur un art qui n’est pas une industrie et qui reste artisanal.
J’avais fais une vidéo sur combien coûte une place de spectacle et comment se construit le prix pour les spectateur·ice·s. J’avais pris l’exemple du festival Off d’Avignon pour expliquer combien ça coûte aux compagnies de venir et comment ça se répercute sur le prix des places. Ce type de contenu me paraît important pour que les gens comprennent que parfois payer 50 euros une place ce n’est « pas cher » par rapport à l’écosystème, comme payer une place 5 euros ne rémunère pas toujours à la hauteur les gens qui bossent.
Mon autre objectif est de diversifier les publics, d'amener la Jeunesse au théâtre car ce n’est qu’en faisant comme ça qu’on arrivera à faire bouger les codes de la création théâtrale. Je trouve ça important que les gens s'informent autrement et se politisent aussi en allant au théâtre voir des artistes qui s’expriment sur des questions politiques. Après, je me sers aussi tout bêtement de ma micro-influence pour parler de sujets plus globaux qui ne sont pas en rapport avec le théâtre sur le féminisme et l’écologie.
Créer du lien entre créateur·ice·s : l’élan collectif d’Influen’scène
Il y a plein de raisons pour lesquelles j’ai intégré le collectif Influen’scène. C’est un constat que j’ai fait dès que je me suis lancé sur Youtube : tu es très solitaire quand tu créé des contenus sur Internet. Il y a un truc qui manque pour prendre du recul, se sentir moins seule, partager des bonnes pratiques, aligner ses tarifs.
Ma première raison c’est ça, qu’il y ai un endroit safe d’échange avec des créateur·ice·s de contenus dans le même milieu. C’est des choses que l’on avait déjà tenté de faire à l’époque où on avait un petit groupe de discussion mais ce n’était pas du tout quelque chose de suivi.
Le fait qu’ici Marion et Karine soient moteurs de ça c’est important car ça nous pousse à avancer et à faire de vrais groupes de travail pour prendre à bras le corps les sujets, notamment en ce moment avec la fragilisation et la précarisation du milieu.
Effectivement être amenée à créer à plusieurs, c’est quelque chose que j'ai peu fait avec des créateur·ice·s spécialisé·e·s dans ce milieu là. Avec Mathis et Noa on avait fait un format « Qui ment » où on était allé·e·s voir une pièce et on avait tous les trois pitché le spectacle alors qu’un de nous ne l’avais pas vu. Essayer de trouver des petits trucs comme ça pour sortir de nos sentiers battus de ce qu’on a l’habitude de faire, de s’ouvrir un peu et de réfléchir collectivement c’est hyper stimulant créativement.
Et mine de rien, il y a aussi la proposition d'accompagnement par Kiblos pour notre « professionnalisation » selon nos besoins en nous encadrant. On a besoin de partenariats où l’on est plus valorisé·e·s et donc on a besoin d’allié·e·s pour nous aider à montrer que ce qu’on fait est utile et qu’il y a un vrai travail d’écriture, de recherches et de montage derrière.
Je pense que si les institutions voient qu’on se réunit, ça permet déjà de nous mettre en lumière de par notre « petit » nombre car chacun·e a ses petites niches de public qui ne sont pas forcément les mêmes et ne se croisent pas forcément.
Tu peux connaître un·e des créateur·ice·s et ne pas connaître les dix autres, donc ça nous permet de nous visibiliser plus largement et de montrer notre diversité et nos manières de créer. Si on commence à porter des messages communs ça sera plus visible.
Les coupes budgétaires font partie de nos chantiers de sensibilisation. On se posait vraiment la question de comment faire pour que les gens se sentent concernés, car à part les artistes qui nous suivent, les spectateur·ice·s ne se sentent pas forcément concerné·e·s. L’accessibilité financière est un super axe mais il faut qu’on trouve plein d’autres moyens comme ça !
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