Camille - KeskonvavoirCam

En ce début d’année 2025, nous avons impulsé la création d’un collectif pour donner une suite au projet de formation et de médiation numérique Influen’scène que nous avons porté aux côtés de 12 théâtres sur les saisons 22/23 et 23/24. Influen’scène a grandi et c’est aujourd’hui un collectif d’une dizaine de créateur⸱ices de contenu qui porte une parole engagée et diverse pour et depuis le spectacle vivant.

Nous leur donnons la parole.

 

Présentation

KeskonvavoirCam Photo

Moi c’est Camille, j’ai lancé le compte KeskonvavoirCam en 2022 ! J’ai fait du théâtre quand j’étais petite, puis j’ai grandi et le spectacle vivant s’est éloigné de moi, parce qu’à l’école on avait beaucoup de préjugés sur les milieux artistiques et littéraires. Puis j’ai fait des études de webmarketing à Paris où je m’étais dit que je retournerai voir du spectacle vivant, mais en fait je me suis confrontée un peu à un mur où j’ai sans doutes dû arriver dans la mauvaise salle au mauvais moment. Je me suis vraiment sentie exclue en termes de public. J’arrivais avec des spectateur·ice·s qui étaient soit dans le milieu de la culture soit beauuuucoup plus âgé·es que moi. Je me suis sentie un peu exclue et ça m’a un peu traumatisée, je me suis dis que ça ne me ressemblait pas, que ce n’étais plus moi.

Le déclic : un service civique et une révélation

Photo du feed instagram de KeskonvavoirCam

Puis j’ai fait un service civique dans une compagnie de théâtre que je suivais depuis que j’étais enfant et c’est là que j’ai renoué avec le spectacle vivant et à aller voir plus de spectacles. C’est là où j’ai commencé à me dire que c’est fou car ça parle de moi, de nous, de notre société, ça fait émerger plein de questionnements et de regards différents. Je me suis dis que c’est trop dommage que mes potes n’aillent pas voir ça car ils ont les mêmes préjugés que j’avais : que ce n’est pas pour eux, pas pour des personnes de leur âge ou que c’est trop poussiéreux. C’est dans cette optique que j’ai lancé mon compte, pour que mes potes aillent plus voir des spectacles, qu’ils se rendent compte que c’est chouette.


Un personnage de copine positive

C’est de là que j’ai créé ce « personnage » ou en tout cas cet angle de la copine positive qui te fais découvrir des choses et qui a toujours plein d’entrain, car il y a toujours cette personne là dans un groupe d’ami·e·s. J’ai pris cet angle qui n’est pas très éloigné de moi et c’est comme ça que j’ai commencé à faire mon chemin : pas pour être critique de spectacles, ce n’est pas du tout l’objectif, mais pour faire découvrir ce milieu là et d’enlever les préjugés qu’on peut avoir et tout ce truc d’entre soi pour partager et faire un peu de médiation avec un public qui ne va pas au théâtre.

 

Un contenu spontané, drôle et accessible

Ensuite mon compte a évolué avec moi, mon regard et les choses que j’ai vues ou que j’avais envie de défendre. Je ne suis pas une critique de spectacles, c’est hyper important. Je fais des récaps de spectacles que je vais voir en essayant d’avoir un angle pas forcément lié au spectacle vivant, mais de lier soit à des réflexions plus personnelles, de rapporter à quelque chose de quotidien et d’universel pour ensuite emmener vers le spectacle vivant. J’essaie d’être drôle. C’est du contenu très spontané avec un regard de spectatrice, pas d’experte et toujours dans une énergie positive pour qu’on puisse s’identifier à moi et se dire « pourquoi pas ».

 

Coulisses, confidences et médiation

Je m’incruste aussi dans des coulisses de spectacles ou de résidences avec des échanges avec les artistes. Ces formats là permettent de montrer tout l’envers du décors de la création qui est un monde passionnant et incroyable. Derrière un geste il y en a cent, donc comment voir et découvrir ce qu’il y a derrière pour faire le lien avec la scène ? On n’en parle pas assez alors que ça fait partie du métier d’artiste.

Je fais aussi des confidences de spectatrice où je parle de mon regard de spectatrice, qui des fois peut un peu dédramatiser des trucs comme les silences. Ce format-là essaie de déconstruire ce qui peut nous mettre mal à l’aise en tant que spectateur·ice ou de dézinguer des préjugés sur le monde de la culture.

 

Le podcast “On se retrouve à la sortie”

Photo du visuel du podcast On s'retrouve à la sortie

J’ai aussi un podcast qui s’appelle On se retrouve à la sortie, où l’idée est de faire parler des spectateur·ice·s avec moi à chaud, directement après un spectacle et d’échanger de manière assez spontanée. L’idée c’est de replacer la vie des spectateur·ice·s dans le spectacle parce que des fois on l’oublie trop, repensons aux spectateur·ice·s !


Garder sa place de spectatrice comme force

C’est assez évident pour moi de faire les choses comme ça parce que je suis une spectatrice. Je ne viens pas du tout de ce milieu là, je suis uniquement spectatrice sans tout le background ou les références derrière. Je tiens vraiment à le garder parce que j’ai l’impression que c’est aussi ça ma force. J’ai souvent des retours d’abonné·e·s qui apprécient ce côté authentique, on peut plus facilement s’identifier à moi. J’aimerai qu’on voit un peu mon compte comme une nouvelle porte d’entrée pour accéder au spectacle vivant.

 

Les réseaux sociaux : un outil puissant

C’est une de mes revendications, car je me suis sentie exclue à un moment de ma vie et que certain·e·s se sentent encore exclu·e·s de ce milieu. En ce moment où la culture est vraiment en danger, je pense que se recroqueviller sur soi n’est vraiment pas la solution. Mais ce travail-là qui est déjà opéré en physique avec les médiateur·ice·s, il faut l’exporter avec les outils qu’on a aujourd’hui. L’un de ces outils, c’est les réseaux sociaux qui est un outil hyper puissant, et vraiment un outil. Ce terme est important parce qu’après, on l’utilise vraiment comme on a envie de l’utiliser et c’est ça qui est important.

C’est un outil qui permet une grande visibilité et de toucher les gens qu’on a envie de toucher. Pour moi, c’est vraiment une des solutions et ça va vers fédérer de nouvelles personnes qui vont se dire « ah mais le spectacle vivant ça peut être intéressant, pourquoi on leur coupe toutes les subventions ? ». C’est grossier ce que je dis, il y a plein d’autres solutions mais je crois vraiment en ça.

 

Communication et médiation

Pour moi la communication et la médiation sont clairement liées, quand un·e médiateur·ice va faire des ateliers ou va dans des écoles, il fait de la communication. Donc en physique ça se fait déjà, les deux sont liés. Après tu peux rattacher le côté un peu marketing qu’on lie souvent à la communication, mais c’est aux lieux et aux personnes de faire des choix par rapport à ça.

Mais dans le milieu culturel et d’autant plus dans le public, pour moi la médiation et la communication ne doivent faire qu’un, je trouve ça fou qu’on le questionne encore. Être sur les réseaux sociaux c’est pas forcément dire « VIENT », c’est aussi montrer le milieu, le travail derrière un spectacle ou un lieu, c’est faire connaître et faire rayonner tous les emplois autour et les actions qui sont faites.

 

Recréer du lien avec les spectateur·ice·s

Discussion On s'retrouve à la sortie

Remobiliser les spectateurs et donc ouvrir cette culture enfermée, c’est vraiment ça mon enjeu politique : montrer, ouvrir tout ce qu’on défend et tout ce que les artistes défendent sur scène et rendre tout ça accessible. Ça ne veut pas dire enlever toute la beauté, enlever toute la poésie et prémâcher le travail, ça veut juste dire s’adresser vraiment aux gens : ne pas s’adresser à soi et faire des tournures qu’on ne comprend pas.

Remettre le lien qui existait auparavant et qui était très fort, remontrer qu’il est présent. C’est vraiment ce que je défends, ce qui me tient vraiment vraiment vraiment à coeur : recréer du lien avec les spectateur·ice·s. Je vois tout ce que ça m’a apporté et je trouve ça dingue. Mes parents avant n’allaient pas au théâtre et maintenant que je les ai amenés, c’est trop chouette d’avoir des conversations avec eux en sortie de spectacle qui se posent des questions que leur génération ne se pose pas. Je caricature mais c’est vraiment ça. Aller voir un spectacle ça crée du lien à plein d’égards, ça fait de la discussion, des échanges, c’est juste incroyable quoi.

 

Faire du théâtre une maison

Ce moment où j’ai eu une expérience « traumatisante » dans le spectacle, c’était le pitch de la pièce que je ne comprenais pas trop, c’était un spectacle qui a été créé pour se faire kiffer sans penser aux spectateur·ice·s et c’est super excluant quand tu n’as pas la référence. Tu te sens hyper bête et si tu te sens bête tu te sens mal à l’aise et si tu te sens mal à l’aise tu n’as pas envie de revenir.

Pour moi, la salle de spectacle en elle-même doit devenir ou en tout cas tendre à devenir une maison. Un endroit où tu arrives sans avoir de pression, sans te sentir jugé·e pour découvrir un truc. Que ça marche ou pas, ce n’est pas la question mais de se sentir chez soi.

 

Repenser l’expérience spectateur·ice

La dernière fois, je suis allée dans un théâtre où il y avait un véritable accueil, un repas autour du spectacle et je sais que pleins de lieux le font mais ça apportait un truc hyper convivial. Ce n’est pas que le spectacle mais l’expérience qu’il y a tout autour qui a de l’importance. Je pense que les salles et plus largement le théâtre et même la culture en général - ça peut s’appliquer aux musées - doivent repenser ça comme une expérience.

Oui tu vas voir un spectacle mais qu’est ce qui va te faire revenir ? C’est parce que tu t’es senti·e bien dans le lieu, accueilli·e, parce que tu as vu des gens sympas. Tout ça doit être pris en compte bien plus qu’une programmation.

Si tu adhères au lieu, à ses valeurs, aux personnes qui t’y accueillent, tu vas plus facilement te laisser porter par cette programmation par laquelle tu ne te serais pas forcément laissé porter sinon. Tu es plus ouvert·e à accepter ce que tu reçois, alors que si tu arrives dans un lieu où tu ne te sens pas très bien, pas chez toi, si la proposition est vraiment décalée par rapport tes envies, tu vas passer une soirée horrible.

Repenser la place des spectateur·ice·s ça passe par ça, par comment on s’adresse à eux et par comment on casse cet entre soi. Tout le monde a une culture, le tout c’est de la lier, de lier toutes nos cultures et de ne pas exclure ceux qui n’ont pas la même que toi.

 

Le collectif Influen’scène

Influen’scène c’est l’objectif du collectif, de ne plus être seule car c’est un travail très solitaire, encore plus dans le milieu de la culture car on est pas beaucoup et qu’on essaie d’ouvrir voir d’enfoncer les portes, alors que dans d’autres milieux les portes sont déjà ouvertes.

Keskonvavoir Cam

Dans le collectif on a toutes et tous la même envie de montrer que la culture c’est chouette et que le spectacle vivant c’est utile et c’est super important. On a tous des angles différents et c’est ce qui est hyper riche parce qu’on se nourrit chacun et chacune tout en ayant ce même cap. Il s’avère que ce collectif se déploie au moment où la culture est vraiment en train d’en prendre un coup, mais ça aurait très bien pu se construire à un autre moment, toujours pour valoriser la culture, être ensemble et la défendre, tout en défendant l’utilité des réseaux sociaux.

Il y a une double défense avec notre collectif et c’est ce qui est chouette, ça ouvre un grand champ des possibles. Personnellement ça me nourrit énormément au niveau créatif et organisationnel.

L’aspect collectif, qui regroupe en plus plein de modes de communication et d’angles différents va je pense permettre aux structures culturelles de comprendre comment ce travail se déroule. Il y a un travail de médiation super chouette à faire avec les salles pour montrer comment on communique, pourquoi on utilise les réseaux sociaux, et planter des petites graines pour montrer que c’est possible et ça a du sens pour les publics.

Et puis ça permet de s’adresser aux spectateurs et spectatrices et aux futurs spectateur·ice·s. En se mettant en collectif on gagne en visibilité et c’est comme ça qu’on peut potentiellement toucher d’autres personnes et peut-être les mobiliser sur l’importance de défendre la culture et le spectacle vivant. Ce qui est vraiment important c’est de revaloriser le lien aux spectateurs dans le spectacle vivant.

 

Cliquez ici pour découvrir le podcast : On s’retrouve à la sortie

Suivant
Suivant

Nicolas Comby - Foulouc